Ce matin j'irai prendre ma place derrière la caisse, alors puisque ma nuit se termine, j'écris pour garder les yeux ouverts, je fume pour coordonner mes doigts entre le cendrier et le clavier, j'écoute Pascal Obispo pour suivre la rythmique de son humilité retrouvée.
En seconde, un prof de français jovial m'avait demandé une fiche de lecture sur Crime et châtiment de Dostoïevski. C'est bien, avait il affirmé, ça vous fera voyager.
Effectivement, je le lisais pendant mes vacances à Londres.
Je me souviens à peine de l'histoire, mais à l'époque, je trouvais Raskolnikov vaguement con. Le genre de type qui irait tagger les affiches du métro avec des commandos anti-pub, No Logo en bandoulière.
Mais il y avait l'ironie distante de Porphyre Pétrovitch, ses manières de chat rusé, Columbo avant l'heure, et surtout, Svidrigaïlov Arcady Ivanovitch.
Svidrigaïlov, dont on ne savait presque rien, seulement qu'il était mauvais.
Je ne sais plus pourquoi. Ils le craignaient tous, instinctivement. Il était une forme du mal, dans la mythologie contemporaine des romans russes (j'étais très fier de la formule, ça m'a valu un "Bien !" souligné en rouge dans la marge).
Svidrigaïlov qui se suicidait un matin, après une dernière visite à l'église.
Un personnage fort, cynique et désabusé, un personnage de roman qui n'avait plus envie de s'amuser des autres et de lui-même.
A part ce genre de conneries dont je noircissais les pages de mon devoir, j'étais triste. Sa fin était amère, vide, sèche.
Il était méchant, je crois.
Dans nos échanges (très) sporadiques avec MC Villys, ma prétention me saute parfois à la gueule. C'est peut-être le contraste. Je suppose qu'il faut être humble pour aimer la médecine. Pour vouloir aider les autres.
Je suis un littéreux, et contrairement à Pascal Obispo, je me dois d'avoir la prétention de tout.
Parce que je suis dressé pour ça, parce qu'on m'a appris à commenter de mon avis tellement pertinent, tellement infaillible, n'importe quel livre, n'importe quel auteur. Je peux me permettre de dire que Raskolnikov est "vaguement con". Je peux même critiquer Descartes ou Justine Levy. Je suis encouragé à démontrer que Gaston Leroux est un auteur moyen, à souligner le talent de Joseph Conrad, la vacuité de Jean d'Ormesson.
Je dois avancer, mesquin et masqué. Avec assurance et dérision. Je dois argumenter, et faire le guignol pour qu'on puisse croire que j'ai du style.
Je cultive mes champs lexicaux, je sème quelques vulgarités pour amuser la galerie, le jeu de mots en clin d'oeil appuyé.
En fait, c'est à gerber.
C'est inutile.
Mais qui peut prétendre, avoir un jugement à rendre ? me demande un chanteur chauve à la radio.
Moi, Pascal.
Je n'ai appris qu'à critiquer.
A faire le malin.
La prétention de tout.
Alors, ta chanson, c'est de la merde. Et moi, pas loin.
Et toi, tu me manques.
Commentaires :
Re: c'est vrai!
La Russie, l'aristocratie sous les balles de Tolstoï, la grandeur dans la tragédie, Stalingrad, et puis Staline, la Tchétchénie et le cul d'Elena dans Nice People. Il y a trop de choses à dire, alors je préfère retenir Dostoïevski.
Gaston Leroux avait du talent, ne serait-ce que dans le choix de ses titres, et je n'ai jamais compris pourquoi mon prof le méprisait autant. Mais il était bien vu d'abonder dans son sens.
Toujours pas d'accord
Re: Toujours pas d'accord
Mais ce qui est méprisable, c'est l'orgueil, le snobisme facile.
Devant le professeur, il est bien vu de mépriser certains auteurs et d'en admirer d'autres. Ce n'est pas une question de goût, c'est une question de prétention.
Je ne reproche rien à personne, j'explique juste comment je suis devenu stupide (pour faire plaisir à ac-col-ade), mais surtout prétentieux.
Critiquer un roman de Gaston Leroux, c'est très bien.
Mépriser ostensiblement Gaston Leroux dans un devoir pour se complaire dans l'élitisme snob, c'est ridicule.
c'est vrai!
Les personnages de Dostoïevski sont toujours en quête d’un ailleurs, probablement d’un lieu où leur conscience trouvera enfin un je ne sais quoi, un presque rien.........
Et ce n'est pas prétention de se prêter à penser qu'ils sont vaguement cons ou méchants ou pire même.......
Je crois qu'ils sont Russes.
Que j'aurais aimé trouver ce titre: La double vie de Théopraste Longuet....... ça sonne bien, théophraste Longuet, je trouve :-)!