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Fade out

 

No alcohol. Il me regarde, indécis.
Appartement bourgeois, soirée bourgeoise, amis bourgeois.
No alcohol.
Merde, c'est une question.
No alcohol ?
Il agite le verre sous mon regard autiste. Vingt ans, polonais. Ami d'amis. Perdu. Le langage, premier vecteur de sociabilisation. Son anglais approximatif lui interdisant la communication de groupe, il fait le tour des isolées. Le sexe, second vecteur de sociabilisation. Beaucoup de filles, peu de célibataires. Il passe aux isolés. L'alcool, vecteur de sociabilisation masculin.
No alcohol ?

Savoir se tenir en soirée. Alterner Marlboro et JB. Avoir un avis sur tout. Avoir un avis, surtout. Et une vie à raconter. Projets, envies, mépris. Je suis incapable de tenir une conversation.
Toujours aimé les dandys modernes, les Ariel Wizman, les Jérôme Attal, cette futilité assumée, cette nonchalance dans le bonheur, cette élégance dans la tristresse. Capacité à parler de tout et de rien, les attentats et le prix des clopes, Kant et Pol Pot.
Dans la famille, on est plus brutal, plus au contact, rarement aérien. Je navigue entre les deux, jobs manuels, études littéraires. Aucune élégance. Flou non-artistique.
Caméléon carbonisé.

Terminale, année zero.
Lorraine, fille-symbole de la génération rien à foutre, T-Shirt Virtual Girl, nicotine et âme caline, allumeuse au chewing-gum bulleur. Ca se trompe et ça s'aime en rose, ça teste la sodomie pour les copines. Ca romantise les amours d'un soir ou d'un back-room, ça méprise le loser et le boudin, ça guette le lover mondain. Lorraine représente pour sa té-ci Versaillaise et le féminisme bradé. Je représente pour ton épitaphe, chérie.
Brune à forte poitrine, papa assure l'avenir et les Kevin passagers lui font apprécier le présent.
Lorraine, donc, bandante idiote, vulgarité en bandoulière, découvre la philosophie et son monde enchanté. Découvre la joie de Penser entre deux gloussements compulsifs.
Libre expression, matière fourre-tout, idéale pour se la raconter entre ados tourmentés.
Lorraine s'est fendue d'un texte engagé, dénonce le capitalisme barbare et le fanatisme aveugle, confesse sa peur de grandir, l'amour de son prochain, les absences paternelles, Lorraine se voit déjà à l'Académie et enfile cliché sur cliché. Elle termine sa bouse textuelle en quelques considérations philosophiques sur la société et son rapport à l'Autre, pour conclure d'un infinitif enthousiaste: "Je ne peux pas m'en empêcher. Vivre".
L'oeil brillant, Lorraine accueille les compliments du prof avec toute la modestie dont elle est encore capable.
Je torche un texte parodique, détourne ses aphorismes péteux, conclus sur "Tu peux t'en empêcher. Ne plus vivre".

Tristesse rétrospective. Mettre les rieurs de son côté, méthode sans gloire. Lorraine n'était pas la pire. Elle a encaissé, souri pour la forme. Et puis elle a oublié.
Constat amer. J'écris en réaction. Je n'ai rien à dire.
J'écris par aigreur.
Par rancoeur.
J'écris comme on gerbe. La littérature sans estomac, de Pierre Jourde. C'est moi.

No alcohol.

Ecrit par Renaud, le Dimanche 21 Mars 2004, 03:59 dans la rubrique "Premiers Pas".